Tout commence par un appel
Après l’article sur le livre de Satprem « Sri Aurobindo ou l’aventure de la conscience », je voulais continuer par un article abordant le yoga intégral au point de départ. Tout commence par un appel.
Hier soir, comme tous les soirs, j’ouvre mon livre du moment, qui parle de… Yoga intégral, et oui ! En l’occurrence, « la synthèse des yoga », le premier volume, le yoga des œuvres, chapitre 2 « la consécration de Soi ». Et bien, je te le donne en mille, ça aborde cet appel. Et oui, selon Sri Aurobindo, tout commence bien par ce premier appel, qui selon les individus et leur sensibilité, peut prendre de nombreuses formes.
Et comme il n’y a jamais de « par hasard », je me suis dit que Sri Aurobindo parlerait bien mieux que moi de ce sujet. Toutefois, à la fin de cet article, je te livrerais quelques-uns de mes commentaires, même si, j’en conviens, je ne pourrais jamais mieux dire que Sri Aurobindo.
De plus, je ne peux que te conseiller de lire la totalité de ce chapitre sur la consécration de Soi, car on y trouve de nombreuses clefs et rappels pour avancer sur le chemin. Il est parfois intéressant de reprendre les choses au point de départ pour retrouver ou peaufiner l’attitude juste.
Petite parenthèse. La nouvelle version de la synthèse de yoga éditée par l’ashram de Pondichéry en deux volumes au lieu de trois à l’origine, semble être une nouvelle traduction. Je viens de comparer avec ma version papier en trois volumes et ce n’est pas tout à fait pareil. Je vais essayer de ne pas être suspicieux vis à vis de l’ashram, mais il me semble que la traduction de l’ancienne version avait été validée par Mère. Donc je ne comprends pas bien pourquoi ils ont fait cette nouvelle traduction. Et soit dit en passant, plutôt que de faire des nouvelles traductions de la synthèse des yoga, il serait plus profitabkle pour les lecteurs francophones, qu’ils fassent des traductions des nombreux livres de Sri Aurobindo qui ne l’ont encore jamais été.
Chapitre II
La consécration de Soi
Essentiellement, le yoga est une nouvelle naissance ; c’est une sortie de la vie ordinaire de l’homme — la vie matérielle mentalisée — et une naissance à une conscience spirituelle plus haute, à un être plus vaste et plus divin. Aucun yoga ne peut être entrepris ni poursuivi avec succès sans un puissant éveil à la nécessité d’une existence spirituelle plus large. L’âme appelée à ce vaste et profond changement peut arriver par divers chemins au point de départ initial. Elle peut y parvenir par son propre développement naturel qui inconsciemment la conduisait à l’éveil ; elle peut y arriver sous l’influence d’une religion ou attirée par une philosophie ; elle peut s’en approcher par une lente illumination ou y toucher d’un bond par un contact ou un choc soudains ; elle peut y être poussée ou conduite sous la pression des circonstances extérieures ou par une nécessité intérieure, par un seul mot qui rompt les sceaux du mental ou par de longues réflexions, par l’exemple éloigné de celui qui a parcouru le chemin ou par une influence et un contact quotidiens. Suivant la nature et les conditions de chacun, l’appel viendra. Mais de quelque manière qu’il vienne, l’appel doit être suivi d’une décision du mental et de la volonté, et, par suite, d’une consécration de soi complète et effective. L’acceptation d’une nouvelle idée-force spirituelle et une orientation de l’être vers le haut, une illumination, un retournement ou une conversion dont se saisissent la volonté et l’aspiration du cœur — tel est l’acte décisif qui contient en germe tous les résultats que le yoga doit donner. Une idée simplement, ou une recherche intellectuelle de quelque chose de plus haut, derrière, est inefficace, quelle que soit l’intensité d’intérêt que le mental y mette, à moins que le cœur ne s’en saisisse comme de la seule chose désirable, et la volonté, comme de la seule chose à faire. Car la vérité de l’Esprit n’est pas faite pour être seulement pensée, mais vécue ; et la vivre exige une détermination unanime de tout l’être. Un changement aussi grand que celui envisagé par le yoga ne peut pas s’effectuer par une volonté divisée ni par une petite fraction de notre énergie ni par un mental hésitant. Celui qui cherche le Divin, doit se consacrer à Dieu et à Dieu seul. Si le changement se produit soudainement et d’une façon décisive, par une influence irrésistible, il n’y a plus de difficulté essentielle ou durable. Le choix suit la pensée, ou l’accompagne, et la consécration suit le choix. Les pas sont déjà sur le chemin, même si tout d’abord ils semblent errer avec incertitude et même si le chemin n’est vu qu’obscurément, même si la connaissance du but est imparfaite. L’Instructeur secret, le Guide intérieur est déjà à l’œuvre, bien qu’il ne se manifeste pas encore peut-être, ou ne soit pas encore apparu en la personne de son représentant humain. Quelles que soient les difficultés ou les hésitations qui suivent, elles ne peuvent pas finalement prévaloir contre le pouvoir de l’expérience qui a changé le cours de la vie. Une fois décisif, l’appel tient ; ce qui est né, ne peut plus être étouffé. Même si la force des circonstances empêchait un développement régulier ou une consécration pratique et complète dès le début, le mental a pris le pli et persiste à retourner à sa préoccupation dominante avec une force toujours accrue. Il y a une persistance inéluctable dans l’être intérieur, contre laquelle les circonstances sont finalement impuissantes ; aucune faiblesse de notre nature ne peut longtemps être un obstacle.
Mais tel n’est pas toujours le commencement. Le sâdhak est souvent conduit graduellement, et la distance est longue entre le premier tournant du mental et un complet assentiment de notre nature à l’entreprise vers laquelle nous nous tournons. Tout d’abord, ce n’est peut-être qu’un vif intérêt intellectuel, une puissante attraction pour l’idée et quelque forme imparfaite de pratique. Ou peut-être y a-t-il un effort, mais il n’est pas favorisé par la nature entière ; peut-être est ce une décision ou une orientation imposée par une influence intellectuelle ou dictée par l’affection et l’admiration personnelles pour quelqu’un qui lui-même est consacré et dévoué au Suprême. En ce cas, il se peut qu’une longue période de préparation soit nécessaire avant que la consécration irrévocable se produise, et il est des exemples où elle ne se produit pas. Il peut y avoir un certain progrès, il peut y avoir un grand effort et même une grande purification, beaucoup d’expériences autres que les expériences centrales ou suprêmes ; mais, ou bien la vie se passera en préparation, ou bien, après avoir atteint un certain stade et n’étant pas poussé par une force dynamique suffisante, le mental s’arrêtera satisfait à la limite de l’effort dont il était capable. Il peut même y avoir un recul à une vie inférieure — ce qu’en langage yoguique ordinaire on appelle une chute de la voie. Cette défaillance arrive parce qu’il y a un défaut au centre même. L’intelligence a été intéressée, le cœur a été attiré, la volonté s’est tendue dans l’effort, mais la nature entière n’a pas été faite captive du Divin. Elle a seulement acquiescé à l’intérêt, à l’attraction ou à l’entreprise. Il y a eu une tentative, peut-être même une ardente tentative, mais pas un don de soi total à un besoin impérieux de l’âme ou à un idéal indéfectible. Pourtant, même ce très imparfait yoga n’est pas perdu, car aucun effort vers le haut n’est en vain. Même s’il échoue dans le présent, même s’il n’arrive qu’à une étape préparatoire, à une réalisation préliminaire, il a cependant déterminé l’avenir de l’âme. Mais si nous désirons profiter pleinement de l’occasion que nous donne cette vie, si nous voulons vraiment répondre à l’appel que nous avons reçu et atteindre le but que nous avons entrevu au lieu d’avancer seulement de quelques pas, un don de soi intégral est essentiel. Le secret du succès dans le yoga est de le considérer non pas comme l’un des buts à poursuivre dans la vie, mais comme le tout de la vie.
Voici donc la forme que peut prendre cet appel et surtout la meilleure manière d’y répondre.
Il y a quelques phrases qui m’ont particulièrement touchée :
Car la vérité de l’Esprit n’est pas faite pour être seulement pensée, mais vécue.
Celui qui cherche le Divin, doit se consacrer à Dieu et à Dieu seul.
Le secret du succès dans le yoga est de le considérer non pas comme l’un des buts à poursuivre dans la vie, mais comme le tout de la vie.
Ainsi, donc, on ne répond pas à cet appel en demi-mesure. Ce n’est pas un peu de spiritualité au milieu d’une vie ordinaire. C’est réellement et totalement se consacrer à cet appel, à cette nouvelle vie.
Le chemin peut sembler long et ardu pour réussir à s’offrir totalement au Divin, à La Mère, à cet appel, mais existe-t-il une autre solution pour mieux se vivre dans ce monde de la matière ? Sommes nous obligés de fuir dans les hautes sphères comme dans les anciennes voies ? Le Divin s’est-il trompé en créant la matière ? Sincèrement, crois-tu que le Divin peut se tromper ? Si ce plan de la matière existe, c’est qu’il y a une raison Divine. Et c’est ce que j’aime dans le yoga de Sri Aurobindo, la vie et la matière font partie du chemin.
Plus tôt nous comprenons qu’en nous offrant totalement, nous nous libérons, plus tôt nous seront libres.